jeudi 19 mai 2016

Violences scolaires : une révolution éducative est nécessaire !

Depuis une vingtaine d’années, en dépit de tous les rapports, plans, circulaires, réformes et « refondations », le niveau de la violence au sein des établissements scolaires croît d’une manière d’autant plus alarmante que, comme y a insisté l’anthropologue René Girard, rien n’est plus contagieux que la violence. Il semblerait que nous allions de plus en plus vite vers les extrêmes, vers l’insupportable, que la situation de Mayotte semble préfigurer.
N’y aurait-il pas, dès lors, urgence à (1) reconnaître que ce que tout ce qui a été mis en œuvre jusqu’à présent s’est révélé insuffisant ou a échoué et (2) se demander si les solutions qu’on nous propose actuellement ne seraient pas tout aussi vaines ?
Quelles qu’en soient ses modalités, le contrôle social et policier pour le bien des familles et de leurs enfants relève d’une logique sécuritaire qui fleure bon le totalitarisme et qui pourrait affaiblir encore notre fragile démocratie en infantilisant une part grandissante de la population.
C’est pourquoi, il me semble qu’avant de rechercher l’assistance des services sociaux et de la police, l’institution scolaire serait bien inspirée de se remettre en cause.
 La question se pose en effet de savoir si le manque de respect, les incivilités et la violence sont seulement le fait des élèves.  Ceux qui sont parents ne savent-ils pas tous, plus ou moins confusément, que le ton cassant, impérieux des enseignants du passé, leurs cris, leurs colères, leurs menaces, leurs brimades, leurs humiliations, leurs moqueries, leurs insultes et autres violences psychologiques (sans parler des violences physiques ou tout simplement des notes punitives) restent grosso modo d’actualité ?
Que des enseignants se sentent obligés de recourir à de telles méthodes quand ils doivent gérer tant de jeunes indifférents aux limites comme à la parole de l’adulte, on le comprend d’autant mieux qu’ils ont eu, pour la plupart, cela pour modèle au cours de leur propre scolarité et, par la suite, aucune formation sérieuse sous le rapport de l’autorité, alors même qu’une de leurs missions premières est de l’exercer et de la maintenir.
Le problème est que cette véritable guerre des générations a pour origine un quiproquo de proportions tellement gigantesques qu’il échappe au regard. En effet, il conviendrait de voir qu’en dépit de la Révolution, on n’a eu de  cesse de maintenir la jeunesse dans l’Ancien Régime au sens où l’enfant (du latin infans qui veut dire « n’a pas la parole ») est censé être assujetti à l’adulte et non pas « sujet. » Or, au cours du siècle dernier, grâce notamment à la pub, une révolution silencieuse a eu lieu : on a laissé les jeunes prendre la parole et... le pouvoir !  De sorte que les parents amènent à l’école des « sujets » en « toute-puissance » quasi sourds à la volonté adulte. A ces révolutionnaires qui s’ignorent mais réclament à juste titre le respect de leur personne, allons-nous envoyer la police ou saisirons-nous enfin l’occasion de leur proposer une éducation véritablement démocratique, c’est-à-dire, respectueuse, structurante et formatrice ? Bref, allons-nous enfin accomplir la Révolution dans sa dimension éducative ?
Il n'y aurait rien là de compliqué a priori puisque tout le monde connaît les principes démocratiques mais imaginez quel bouleversement ce serait : (a) des règles de classe, de cour, de cantine et d’établissement explicites, justes, proportionnées et consensuelles car adoptées après des débats et des décisions impliquant tous les élèves, (b) des sanctions positives et négatives pareillement conçues et qui, bien sûr, excluraient définitivement l’affreux répertoire (listé plus haut) du tyran éclairé que trop d’enseignants s’autorisent encore à divers degrés et, enfin, (c) des activités choisies par les élèves et non pas imposées en fonction des programmes par celui qu’on appelle encore le « maître. »
Cela fait plus d’un siècle que les Pédagogies Nouvelles ont ouvert la voie d’une éducation respectueuse du jeune mais elles ont été reléguées à la marge. Une éducation démocratique permettrait à peu de frais d’en généraliser l’esprit et de contribuer ainsi à la réussite de tous les élèves ainsi qu’à une véritable formation citoyenne dont la nation a grand besoin.
Qu’attend-on pour y venir : que les enseignants désertent une profession impossible ? Que les cours d’écoles, qui ont toujours été plus ou moins des zones de non droit, deviennent de vraies cours des miracles ? Que les élèves en ressortent à des logiques tribales pour se sentir protégés — alors qu'il s'agit là du premier devoir de l’autorité ?
Quoi qu’il en soit, les jeunes ayant fait leur révolution, nous n’avons plus le choix : l’éducation publique sera démocratique ou ne sera pas.

Luc-Laurent Salvador pour l’association EDUCAPSY



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire