Nombreux sont parmi nous ceux qui, en ces temps barbares, aiment à parler de paix. Mais la nature humaine étant ce qu’elle est, il est aisé de retomber dans l’ornière du conflit. Leni Riefenstahl, la cinéaste d’Hitler, se défendait de l’avoir suivi en clamant, de bonne foi, qu’il parlait surtout de paix. Certains, et parfois les mêmes, nous parlent de choc des civilisations voire de guerre de religions et les derniers événements sembleraient apporter de l’eau à leur moulin. Le pape a beau dire le contraire, rien n’y fait, chacun voit midi à sa porte. Il en est même qui invoquent Jésus tout en portant accusation, sans donc avoir compris que l’accusateur est le diable, celui qui construit la division, sème la zizanie et attise le conflit.
S’il est bon de se tourner vers Jésus, ce n’est pas simplement pour
faire de beaux discours, des appels vibrants à la paix, la joie et
l’amour qui donnent bonne conscience tout en jetant la pierre à son
voisin. En se chargeant de tous les péchés des hommes, le Christ nous a
offert un modèle pour la paix qui consiste, tout au contraire, à prendre
SA pierre et à la placer dans SON jardin plutôt que de la lancer dans
celui du voisin. Même si cela nous crucifie, reconnaître la poutre que
nous avons dans l’œil fait que la paille que nous voyons dans celui du
prochain cesse de nous faire offense.
Lorsque chacun prend sa "patate chaude" au lieu de tenter de la
refiler à son voisin comme un mistigri ou un roi de pique, il n’y a plus
d’accusations injustes ou mensongères pour nourrir le conflit. Bien que
souvent amère, la vérité peut être reconnue, le pardon devient possible
et la paix s’installe alors comme par miracle.
Les récents attentats incitent au recueillement, à la tristesse mais
ils appellent aussi une explication. Pourquoi ces hommes, ces femmes et
ces enfants innocents sont-ils morts ? Il est ici diablement tentant de
succomber au réflexe consistant à mettre en cause l’Islam puisque les
auteurs des massacres s’en revendiquent. Toutefois, si nous avons le
moindre souvenir du message évangélique, nous aurons l’audace de
réfléchir et de nous demander s’il ne s’agirait pas de la paille et si
la France n’a pas quelques poutres dans l’œil.
Se poser la question, c’est déjà y répondre. Nous ne le savons que
trop : depuis des années nos gouvernants jouent avec le feu. Il est loin
le temps où la sagesse d’un Chirac et d’un Villepin valait à ce dernier
une ovation debout à l’ONU suite au refus français d’entrer dans une
coalition criminelle contre l’Irak. Depuis qu’elle a réintégré l’OTAN,
la France a été mise au service de l’empire étasunien ; elle a fait son
sale boulot en Libye, au Mali, en Syrie. En quoi serait-il étonnant que
la France soit à présent touchée par le terrorisme islamique comme
l’Angleterre et l’Espagne au temps de leur présence en Irak ?
S’identifier aux victimes ne fait pas de nous, simples citoyens, des
innocents. Ne serait-il pas temps d’être responsables et de reconnaître
que notre pays fait des victimes en terre d’Islam ? Ne serait-il pas
temps de demander à ce que le gouvernement soit au service de la nation
et non pas d’intérêts étrangers ? Car enfin, pour quelle raison la
France intervient-elle au Moyen-Orient ? Pour faire une guerre
(préventive) au terrorisme ? Outre que cela n’a aucun sens du point de
vue du droit international et ne peut être gobé que par des ignorants,
on en voit le résultat !
Non, le fait que l’Europe, chrétienne, se trouve actuellement en
crise avec la Russie, orthodoxe, et de plus en plus avec l’Islam alors
que les trois ont intégré des valeurs christiques dans leurs cultures
respectives n’est dans l’intérêt ni de l’Islam, ni de la Russie, ni de
l’Europe. On voudrait que les deux monothéismes à vocation universelle
s’entre-détruisent, on ne s’y prendrait pas autrement.
Si nous voulons la paix alors il est temps d’être responsable, il est
temps d’exiger des candidats à la présidentielle qu’ils prennent
position quant à une sortie définitive de l’OTAN et surtout un arrêt
immédiat de la participation à des guerres criminelles et insensées
menées pour un bénéfice qui n’est certainement pas le nôtre. Vendre des
Rafales pour ensuite en prendre ne peut donner un solde positif, surtout
si, entre-temps, on y a perdu son âme.
Bref, dénoncer la barbarie, oui, mais d’abord la sienne, plutôt que
de n’avoir d’yeux que pour celle des autres. En représailles à
l’attentat de Nice, Hollande a intensifié l’action militaire en Syrie :
le 19 juillet, le village de Toukhan al-Kubra a été bombardé. On compte
120 victimes civiles innocentes, principalement des femmes et des
enfants.
Luc-Laurent Salvador