mercredi 18 mai 2016

On aurait tort de ne pas chercher les causes

       Voici la réponse d'Alain Fourmaintraux à mon précédent billet (publiée le 6 mai dans le courrier des lecteurs du journal Le Quotidien)
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      Monsieur Salvador, pourquoi craindre une approche médicale des troubles psychologiques (votre courrier des lecteurs dans Le Quotidien du 4 mai) ? Le fonctionnement de la «Psychée» est un fonctionnement cérébral, donc biologique puisque le cerveau est un organe biologique. On ne peut faire de la psychologie hors cerveau comme on fait de l'administration hors sol. Il faut garder les pieds sur terre. Et, comme le cerveau peut être atteint de «dysfonctionnements », il n'est pas étrange que l'on appelle la médecine à son chevet, quand celle-ci a des connaissances sur le sujet, cela va de soi.
       Or les neurosciences progressent. En cela elles suivent l'exhortation socratique du « connais-toi toi-même » et l'on ne peut plus prétendre connaître l'esprit humain sans connaître le cerveau humain. Donc, il n'y a pas de raison pragmatique à refuser le secours de la médecine dans les difficultés d'apprentissage scolaire. Tous les échecs scolaires n'ont pas d'explications biologiques connues, c'est certain, mais on aurait tort de ne pas les chercher, systématiquement.
      Le Défenseur des Droits, dans son dernier rapport, dénonce à juste titre le refus de chercher et de partager les diagnostics médicaux des handicaps de certains enfants, refus qui les rend «invisibles» et empêche leur inclusion scolaire. Il est souvent trop facile de considérer les enfants inadaptés à l'enseignement comme seulement des cas sociaux qui relèverait de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE). Le Défenseur des Droits dénonce aussi cette trop fréquente fausse route, grande cause d'échec d'inclusion. Cette démarche pragmatique a par ailleurs l'extrême avantage de définir une cause objective, quand elle la trouve, et de soulager les enfants et leurs familles du poids de la culpabilité.
       Je vous propose un cas d'école: l'alcoolisation foetale. (On pourrait évoquer d'autres agents tératogènes que l'alcool: certains virus, le valproate, les pesticides et d'autres connus ou inconnus, mals que l'on peut prévoir, tant le développement cérébral du foetus est fragile.) Les enfants atteints de troubles causés par l'alcoolisation foetale (TCAF) peuvent présenter des signes très variables: déficit de la mémoire de travail, déficit  des fonctions exécutives, déficit  de l'empathie, intolérance au  bruit, hyperactivité-inattention,  autisme et, puisque vous évoquez  les « dys », dyscalculie, dyslexie,  dysgraphie, dysphasie... Chaque « domaine fonctionnel» doit s être considéré, mesuré et pris en charge, précocement, car de ces atteintes primaires découleront des troubles secondaires: échec scolaire, exclusion sociale, délinquance, clochardisation... Or, très souvent, la pathologie des TCAF, car c'en est une, a été invisible de la maternelle au collège. L'incidence du syndrome d'alcoolisation foetale est au minimum de 1% des naissances, mais sans doute beaucoup plus puisqu'un tiers voire la moitié des femmes enceintes boivent de l'alcool pendant leur grossesse. LesTCAF sont donc une part non négligeable des échecs scolaires. Il faut donc les chercher, comme il faut chercher toutes les causes médicales, innées et acquises ; c'est la seule façon rationnelle de connaître la partie médicale des causes des échecs scolaires.
Alain Fourmaintraux 



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