vendredi 22 avril 2016

Le mariage est-il d’amour ou de désir ?

Invité par les « Amis de l’Université », Yves Ferroul a présenté mercredi à Saint Paul une conférence érudite autour de son livre « le Mariage d’amour n’a que cent ans. » Il a d’abord proposé un savant historique destiné à montrer qu’il ne faut pas croire aux contes de fée et que le mariage a toujours été affaire de convenance et de contrat jusqu’à une bascule récente qu’il situe au cours du XIXe siècle.
C’est ensuite en tant que médecin sexologue qu’il s’est arrêté sur la nouveauté sans précédent de la situation des couples modernes — romantiques — censés relever le challenge de la durée d’un mariage basé, selon lui, sur la seule satisfaction sexuelle. De là viendrait la progressive introduction dans la « norme » du couple d’un éventail de pratiques que « ma mère m’a rigoureusement interdit de nommer ici » comme disait Brassens et qui étaient autrefois l’apanage des filles de joie. Il me semble que le constat est on ne peut plus juste.
Mais ce qui est discutable et qui a été même fort disputé, c’est la place de l’amour dans ce tableau. En effet, le sexe n’est pas l’amour et, de ce dernier, Yves Ferroul parle fort peu. On ne saurait le lui reprocher vu que la science est loin d’en avoir levé les mystères mais tout de même, de là à accepter sans broncher l’hypersexualisation de la femme et la pornographie rampante comme des moyens de faire durer des mariages minés par la routine sexuelle, il y a de la marge. Quand le salut du mariage d’amour semble devoir passer, entre autres, par l’échangisme et le sadomasochisme, peut-être serait-il temps de se demander « de quoi parle-t-on ? »
Eros, le désir, est un sacré moteur, mais il n’est pas le tout de l’amour.  Ce dernier est aussi Agapé, le don, cet amour que l’on dit chrétien mais qui inclut celui que les parents portent à leur enfant, qui est sans condition. Enfin, l’amour est Philia et nous le connaissons bien sous la forme qu’il prend dans l’amitié. Or quoi de plus durable que l’amitié ?
N’est-il pas évident que les couples qui durent heureux vivent en amitié, dans la Philia, dans une bonne réciprocité de désir et de don où les défaillances du premier, (Eros) sont amplement compensées par l’abondance du second (Agapé) ? L’amour chevaleresque n’était-il pas avant tout basé sur la maîtrise du désir comme marque du respect pour l’être aimé ? C’est peu de dire que notre époque y a tourné le dos et que la plupart des mariages d’amour ne sont que des mariages de désir, sexuel ou autre. Comme dans nos sociétés de consommation, l’immaturité et l’intolérance à la frustration ne cessent de croître, les niveaux atteints par la violence conjugale n’ont rien de surprenant.
Vivre un mariage d’amour nécessite une éducation à la maîtrise de soi, à l’écoute et au respect de l’autre, comme de soi-même, bref, une éducation psychologique qui fait toujours cruellement défaut.
Ne serait-il pas temps de s’y mettre ?
 
Luc-Laurent Salvador, pour l'association EDUCAPSY

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